« La mise en réserves de bénéfices et l’abus de majorité. »

En droit des sociétés, l’abus de majorité est rarement retenu dans les contentieux entre un majoritaire et un minoritaire, en raison des strictes conditions fixées par la jurisprudence.

L’assemblée générale annuelle ordinaire des associés d’une société approuve les comptes annuels et se prononce notamment sur l’affectation des résultats. Cette résolution est déposée au greffe du Tribunal de commerce dans le ressort duquel la Société est immatriculée. Dans les SAS, seuls les statuts définissent les conditions d’adoption de cette délibération réputée usuellement relever des décisions « ordinaires » i.e. adoptée à la majorité simple.

Le ou les majoritaires peuvent imposer la mise en réserve des bénéfices pour favoriser l’autofinancement par la Société de ses besoins d’investissement. Un minoritaire peut être enclin par lassitude à exciper d’un abus de droit de la part de ses associés, s’il est systématiquement privé de son droit à percevoir des dividendes, décision qu’il peut appeler de ses vœux, sans pouvoir l’imposer.

Toutefois, la jurisprudence est stricte quant à la preuve de l’abus du droit ; elle exige la réunion de 2 conditions :  le minoritaire doit prouver que la mise en réserves ne présente pas de nécessité requise par l’intérêt social ET que la décision a été prise dans l’unique dessein de nuire au(x) minoritaire(s). [Cass.com 24-1-1995 n°93-13273 ; 10-6-2020 n°18-15614 ; 30-11-2004 n°01-16851 ;30-08-2023 n°22-10108].

Le débat prospère notamment lorsque le(s) majoritaire(s) est (sont) par ailleurs rémunéré(s) par la Société pour ses (leurs) fonctions de direction de façon directe ou indirecte. Ce critère est pris en compte, mais apprécié au regard au regard des prestations accomplies, de la réalité et la légitimité de la contrepartie. Ainsi une hausse rapide des rémunérations peut recéler une exagération justifiant que la mise en réserve soit jugée abusive, les juges pouvant alors être fondés à estimer que les dirigeants par leurs fonctions, se sont ainsi appropriés fautivement une partie des bénéfices sociaux. (Cass.com 6-6-1990 n°88-19240 ; 20-2-2019 n°17-12050)

A retenir : la mise en réserves des bénéfices n’est pas un abus de majorité du seul fait que le majoritaire est rémunéré en sa qualité de dirigeant, si sa rémunération est pas jugée légitime.

Jacques Varoclier