Clap de fin pour la nullité absolue des actes souscrits par une société en formation.

Le Petit Journal numéro 35 a présenté le régime singulier de la reprise d’actes en droit des sociétés. (https://www.varoclier-avocats.com/wp-content/uploads/2015/05/le-petit-journal-du-cabinet-varoclier-avocats-n35-decembre-2015.pdf)

Une société en formation ne peut pas conclure un contrat, faute de capacité juridique. Avant son immatriculation, elle n’a pas de personnalité morale. (Art.1842 C.civ.). Dès lors, la convention doit être signée par un associé mandaté ou précisant intervenir ès qualités, i.e. au nom et pour le compte de la société en formation, à peine de nullité de plein droit.

Trois arrêts de la Cour de cassation du 29 novembre 2023 (22-18295 / 22-21623 / 22-12865) viennent de remettre en cause cette jurisprudence constante. Après immatriculation, une société peut désormais reprendre un engagement à son compte, comme si elle l’avait dès l’origine souscrit, s’il est établi que la commune intention des parties était de le conclure en son nom.

Alors que précédemment la mention « en son nom et pour son compte » devait littéralement et formellement figurer pour que la reprise ultérieure soit possible, il suffit maintenant d’établir « l’intention » des parties, pour permettre une substitution de plein droit et rétroactive au profit de la société.

Toutefois, plutôt que devoir gloser sur « la commune intention des parties », il demeure sans doute prudent de continuer à préciser que le signataire agit « au nom et pour le compte de… »

En revanche, la procédure de reprise demeure inchangée et peut résulter d’une mention en annexe aux statuts, d’un mandat donné au cours de la période de formation ou d’une décision des associés postérieure à l’immatriculation, dans les conditions prévues aux article L210-6 C.com ou 1843 du C.civ.

A cet égard, le même jour, la Cour de cassation a précisé que l’attribution d’un numéro SIREN ne conditionnait pas l’acquisition de la personnalité morale, dont la naissance coïncide avec l’immatriculation. L’attribution d’un numéro à 9 chiffres, intangible au cours de la vie de la société n’est en effet qu’un numéro administratif d’identification. (Cass. Com. 22-16463)

Enfin, la Cour de cassation s’est prononcée explicitement sur la date de naissance des droits sociaux, qui représentent des fractions du capital social, attribuées aux associés en contrepartie de leurs apports. Elle a ainsi jugé que comme la société, ils n’existent pas avant son immatriculation. (Cass. 1ère civ. 17-1-2024 n°22-11303)

Jacques Varoclier

Avocat à la Cour