Retrait litigieux  

Pour éviter les frais et aléas de procédures ou de s’exposer à une solvabilité incertaine de débiteurs récalcitrants, des banques ou établissements de crédits cèdent des portefeuilles de créances à des structures spécialisées. Ces professionnels, confiants dans leur capacité à recouvrer le nominal des créances cédées relatives à des prêts immobiliers ou à la consommation, les achètent à 20 ou 30% de leur valeur.

La cession est opposable aux débiteurs cédés, dès qu’ils en ont eu notification (Art 1324 C.civ.). Pour autant, le cessionnaire s’il acquiert créance et accessoires y relatifs, ne peut revendiquer plus de droits que son cédant. C’est pourquoi, lorsque qu’une créance « litigieuse » est cédée à titre onéreux, l’article 1699 du Code civil prévoit un mécanisme de protection du débiteur, qui peut alors « s’en faire tenir quitte par le cessionnaire en lui remboursant le prix réel de la cession ».

C’est le « retrait litigieux », la faculté ouverte au débiteur cédé (le retrayant) de notifier au cessionnaire (le retrayé) son intention de lui rembourser, frais et intérêts inclus, le coût de son acquisition de la créance litigieuse pour ainsi être définitivement libéré de sa dette. L’exercice de ce droit appartient au débiteur cédé, au débiteur solidaire ou encore sa caution. (Cass.com.12-7-2016 n°14-26174 – 14-02-2024 n°22-19801).

Toutefois, cette faculté est exclue en cas de cession faite à un cohéritier ou copropriétaire des droits cédés, ou encore à titre de paiement par le cédant de sa dette à l’égard du cessionnaire (Art. 1701 C.civ.) Par ailleurs, sa mise en œuvre demeure subordonnée au strict respect de conditions plurielles et cumulatives, tenant notamment à la définition du caractère litigieux de la créance (1) ou au caractère individualisable de la créance cédée (2).

1/ Un droit encore judiciairement litigieux lors du retrait :

La contestation doit porter sur le bien-fondé du droit cédé au sens de l’article 1700 C.civ. ; mais il ne suffit pas que la créance soit « contestée ». Elle doit l’être judiciairement, ce qui induit :

  • Une action en justice pendante portant sur le fond du droit, i.e. portant sur les principe et/ou montant de la créance cédée (et non ses accessoires ou modalités). Cette action a dû être engagée avant et être toujours en cours au moment de l’exercice du retrait et pas seulement lors de la cession de créance (Com.13nov.2007,n°6-14503)
  • La qualité de défendeur du débiteur cédé au cours de l’instance relative à cette contestation de la créance cédée. (Cass com. 20 avril 2017 15-24131)
  • L’exercice du retrait avant tout jugement définitif.

2/ Le prix de cession de la créance cédée être déterminé, ou déterminable à défaut d’avoir été individualisé.

Cette détermination du prix est source de contentieux lorsque les créances sont cédées par lots et moyennant un prix global. Ce caractère forfaitaire suscite nécessairement débat sur le prix de cession unitaire des créances litigieuses incluses, si l’acte entretient à escient, discrétion sur le mode de détermination.

La Cour de cassation fait une interprétation stricte des conditions du retrait litigieux mais admet en revanche, qu’une cession d’un ensemble de créances ne fait pas obstacle à l’exercice du droit, si le prix de cession de la créance litigieuse cédée est déterminable. (Cass. 1ère civ. 4-06-2007 n°06-16476).

A titre illustratif, la Haute juridiction valide ainsi la méthode arithmétique, souverainement retenue par une Cour d’appel, ayant effectué un ratio entre le prix total payé et le nombre de créances cédées pour déterminer le prix individuel d’une créance litigieuse (Cass.com .14-2-2024 n°22-19801)

                                                                                                                             

Jacques Varoclier

Avocat à la Cour

Crédit : Craveiro