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« Dirigeants personnes physiques, attention aux comptes courants débiteurs ! »

Un compte courant désigne la créance détenue à l’égard d’une société par un associé ou dirigeant. Elle correspond à des apports d’argent frais ou à des sommes non prélevées à titre de rémunérations ou dividendes dus. Il s’agit d’une forme singulière de prêt, autorisé par dérogation au monopole des établissements de crédit (L 312-2 C. mon. Fin).

Ces fonds sont laissés à disposition des associés pour assouplir la trésorerie de l’entreprise, la rendre moins dépendante des banques ou du crédit-fournisseur et lui permettre de fluidifier le financement de ses besoins courants d’exploitation. C’est une opération effectuée dans l’intérêt social.

La créance ne porte pas intérêts, sauf délibération expresse autorisant sa rémunération, dont la déductibilité est fiscalement plafonnée par les articles 39-1 3° et 212 CGI. Comptablement, elle figure en dette d’exploitation pour la société et est réputée exigible à tout moment. En pratique, elle est souvent assortie d’une convention de blocage et est alors assimilée à un financement stable et à des quasi-fonds propres.

Même sans cette convention, un dirigeant ne peut privilégier le remboursement de sa créance si ce paiement vient à compromettre la pérennité d’exploitation de l’entreprise. Un contrôle étroit peut intervenir en cas de procédure collective. Avant le prononcé du jugement, il serait mal venu pour le dirigeant de privilégier le paiement de sa propre créance, au détriment des autres créanciers ou d’effectuer des retraits intempestifs, prélèvements ou virements non-justifiés à son profit, a fortiori si son compte courant en devient débiteur. Une telle imprudence l’exposerait à sanctions.

Sauf s’il s’agit de personnes morales, la loi interdit en effet aux dirigeants de sociétés et associés de SARL, de se faire consentir des emprunts ou découverts (L 223-21 C.com et L225-43 & L225-91 pour les SA et L 227-12 pour les SAS.). De telles avances sont juridiquement et d’ordre public, nulles de nullité absolue. De plus, plane le risque pénal d’abus de bien social (L 241-3 4° pour les SARL & L 242-6 3° pour les SA).

Enfin, en cas de changement d’état, notamment en cas de liquidation judiciaire, le dirigeant pourrait faire l’objet d’une extension de la procédure collective de la société, à son patrimoine propre. (Articles L 621-2, L631-7 et L641-1). La loi entend ainsi sanctionner les relations financières jugées anormales (notamment en l’absence de contrepartie conforme à l’intérêt social), au point d’opérer confusion des patrimoines entre la société et son dirigeant.

La Cour de cassation vient de le rappeler le 13 septembre 2023, en cassant un arrêt qui avait écarté la confusion, au prétexte que les prélèvements critiqués figuraient en compte courant, mais ainsi devenu débiteur (Cass.3° civ. 14-09-2023 n°22-15247). En l’espèce le gérant d’une SARL avait fait supporter à l’entreprise des dépenses personnelles somptuaires et s’était octroyé une indemnité non-autorisée, actes par nature contraires à l’intérêt social.

La haute juridiction fait ainsi comprendre que le formalisme comptable de l’inscription en compte courant est impropre à exclure l’anormalité des paiements et contrer la demande d’extension.

Jacques Varoclier