L’arrogance en majesté ou la bouffonnerie sans conscience

Il est des esprits étrangers au doute ou à la nuance ; leur « suffisante insuffisance » moquée par Voltaire, les porte à une primaire satisfaction. Là où d’autres s’interrogent, hésitent et s’informent, l’arrogant assène ses certitudes avec une assurance bouffie.

Sans états d’âme, ni porté à la réflexion existentielle, le César Borgia d’opérette ne conçoit pas de se remettre en question ; les faits ont tort, s’ils ont l’audace de résister. C’est pourquoi, Sa Suffisance s’épanouit dans les fakes news et la vérité alternative propice à la manipulation des esprits. Comme le con d’Audiard qui « ose tout », l’arrogant n’est pas écrasé par son surmoi ; Il est mû par cette déconcertante fatuité, postulant que les autres doivent se plier à ses injonctions hasardeuses.

Au sommet du piédestal qu’il s’est construit, le grand homme cultive aussi l’imprévisibilité pour déconcerter ses contradicteurs. Il sait s’entourer d’un cortège de flatteurs à gages dont, il obtient l’admiration à force de l’exiger. Exposé au risque d’être évincé de la cour dorée, nul rebelle n’oserait contester ses lubies ou son intempérance ; l’obéissance aveugle au chef est requise, la clé du confort et de l’enrichissement, un commandement, voire le 28ème amendement.

Ce mégalomane soigne aussi son image d’autocrate prêt à en découdre, pour instaurer un rapport de force, flatter son égo et provoquer la confusion. « Mère effrontée du dédain » selon Pindare, son arrogance repose sur un sentiment de supériorité, soumet autrui au garde-à-vous, lui impose docilité et obéissance.

Le verbe « s’arroger » décrit avec justesse la manière de « s’attribuer de façon illégitime ». Telle est bien l’acception du substantif, qui décrit une usurpation assise sur la fiction de mérites illusoires. L’arrogant a le droit de tout faire, ; il entend et attend que le monde, qui existe pour lui seul, applaudisse ses initiatives.

Dans son cours sur « Le Neutre » Roland Barthes dépeint le verbiage de l’arrogance où le dogmatisme y est un exercice « d’intimidation, de sujétion, de domination, d’assertion, de superbe ». En effet, elle ne rechigne pas à l’hégémonie verbale, voire à l’insulte tapageuse. Ce complexe de supériorité, invasif et sonore s’exprime avec vulgarité débridée, fait trophée de son inculture et n’accepte pour guide que son instinct.

Pourtant, comme dans la dialectique du maître et de l’esclave, apparait toutefois un paradoxe. Pour faire son numéro de clown, le méprisant a besoin du méprisé, spectateur contraint de l’imposture. Alors, pointe l’ombre insidieuse de la facticité et d’une désinvolture bâtie sur des joncs, étais fragiles, prompts à faire vaciller l’image. Aussi pour parer ce risque, le méprisant est réduit à une surenchère de mauvaise foi, sarcasme ou agressivité orale car il ne respecte que la force.

Au mieux, son arrogance prend la forme de l’indifférence à l’égard des invisibles ou socialement inutiles, mais sans renoncer au plaisir d’humilier publiquement le méprisé, car sans spectacle, où serait la jouissance ?

Jacques Varoclier

Avocat à la Cour

« Toute ressemblance avec des faits et des personnages existants ou ayant existé serait purement fortuite et ne pourrait être que le fruit d’une pure coïncidence … »