Le Bailleur commercial face à la résolution d’un plan de redressement

La résolution d’un plan de redressement dont un débiteur bénéficie est la sanction judiciaire de son défaut d’exécution. Elle constate l’échec du plan adopté et marque une rupture. 

L’anéantissement qui en résulte emporte déchéance des délais de paiement, sans rétroactivité, les créances impayées étant de plein droit admises, déduction faite des acomptes perçus dans le cadre de la nouvelle procédure collective ouverte, s’il est constaté que le débiteur est de nouveau en cessation des paiements, ce qui est souvent le cas.

En dehors de ce cas, tant au cours de la période d’observation qu’après adoption d’un plan de redressement (L622-10 al.2), le Tribunal peut à tout moment (L631-15-II) être amené à convertir la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire, si, quelles qu’en soient les raisons, le redressement se révèle manifestement impossible, la situation du débiteur s’étant dégradée au point d’affecter le sérieux de ses perspectives d’avenir.

Cette conversion n’exige d’ailleurs pas légalement de constater l’existence d’un état de cessation des paiements, même si elle est souvent concomitante (Cass.com,28 février 2018, n°16-19422.) Il y a alors continuité procédurale, la même procédure se poursuivant mais autrement. Ce n’est donc pas stricto sensu une nouvelle procédure. Cette nuance a toute son importance et marque une différence sensible sur les droits du bailleur.

Tel est l’enseignement de l’arrêt du 12 juin 2025.

Deux bailleurs de locaux commerciaux obtiennent du juge-commissaire puis du Tribunal de commerce la résiliation des baux consentis à un débiteur en redressement judiciaire, pour défaut de paiement des loyers échus postérieurement à l’ouverture de la procédure collective. 

Les administrateur et mandataire judiciaires relèvent appel. 

Au cours des instances d’appel (et avant donc que les bailleurs disposent d’une décision ayant force exécutoire de la chose jugée), le Tribunal prononce la résolution du plan de redressement dont bénéficiait le preneur et ouvre une liquidation judiciaire avant la confirmation par la Cour de la résiliation des baux constatée, par deux arrêts du 5 septembre 2023, objet d’un pourvoi.

La Cour de cassation censure, jugeant que la liquidation judiciaire ouverte concomitamment à la résolution du plan, est une « nouvelle » procédure (et non la continuation de l’ancienne). Dès lors et faute pour les bailleurs de pouvoir exciper d’une décision de résiliation du bail ayant acquis force exécutoire de la chose jugée avant la liquidation, les loyers impayés, bien que nés au cours du redressement judiciaire, sont réputés des créances « antérieures », ne pouvant plus fonder au visa de l’article L622-14,2° une demande de résiliation de baux alors réputés toujours en cours.

Il en aurait été différemment en cas de conversion en liquidation judiciaire car dans cette hypothèse, la procédure inaugurale (sauvegarde ou RJ) est réputée se « poursuivre » sans ouverture d’une nouvelle procédure. 

Jacques Varoclier

Avocat à la Cour

Pour mémoire : Le Bailleur, mal-aimé des procédures collectives :

Episode 1 : https://www.varoclier-avocats.com/articles-juridiques/le-bailleur-mal-aime-des-procedures-collectives/

Episode 2 : https://www.varoclier-avocats.com/articles-juridiques/le-bailleur-mal-aime-des-procedures-collectives-suite/