Dans notre société inquiète, obsédée par un principe de précaution souvent mécompris, l’inflation normative est devenue un fléau.
Au nom de la délégation aux collectivités territoriales, Monsieur le sénateur Claude Belot, a remis le 16 Février dernier à la Présidence du Sénat un rapport dans lequel il déplore : « pour chaque question, pour chaque éventualité, pour chaque doute, la réponse est la même : légiférer ou réglementer ».
Ainsi pas moins de 400 000 prescriptions techniques imposent obligations ou interdictions infantilisantes aux élus des Collectivités territoriales, qui privés de tout pouvoir de gestion, deviennent des intendants. En fixant aveuglément des réponses standardisées au mépris de la ductilité nécessaire du réel, le culte de la norme devient un hymne à la bêtise ; d’instrument, elle devient entrave bridant le décideur, le paralysant au lieu de l’aider.
Comme la rumeur, la norme se propage et finit par s’imposer en colonisant tous les secteurs de la sphère publique. Elle ne craint pas l’absurde puisqu’elle exige, par exemple, avant d’entreprendre la réparation d’un pont sur une rivière à sec, d’installer une barque au cas où un employé tomberait à l’eau…. !
Au-delà de l’agression du bon sens ou de l’offense faite à l’intelligence, ces obligations administratives ont un coût exorbitant supporté par le contribuable qu’elles sont pourtant supposées protéger.
En outre, cette frénésie promeut une forme de jacobinisme normatif qui tend à une inutilité asphyxiante, au point que la plupart du temps leur raison d’être originelle a été oubliée.
Cette déviance règlementaire altère le droit, ainsi sapé dans son autorité. Déjà en 1991, le Conseil d’Etat dénonçait cette surproduction de règles et règlements et concluait : « Quand le droit bavarde, le citoyen ne lui prête plus qu’une oreille distraite ». Cette pertinente appréciation résonne comme un écho à la sagacité intemporelle de Montesquieu, mettant en garde contre les dangers d’une intempérance législative: « Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires ».
La norme ne doit être ni louée ni maudite mais circonscrite au strict nécessaire ; L’objectif est de supprimer toutes les scories rédactionnelles ou alléger les textes épars heurtant le bon sens ou l’évolution des techniques et des mœurs.
En desserrant les contraintes, cette simplification oxygènera le fonctionnement des collectivités locales et le travail de leurs élus. Cette aération salutaire allègera corrélativement les coûts. En outre, ce travail d’amélioration veillera à lutter contre l’atomisation du pouvoir prescriptif due à la multitude de prescripteurs, elle-même nuisible à la régulation nécessaire du flux des normes.
Jacques Varoclier