Le mâle du siècle

De la préhistoire à l’époque contemporaine, Olivia Gazalé*, dans Le Mythe de la virilité, dresse une passionnante histoire du féminin et du masculin en réinterprétant de façon originale le thème de la guerre des sexes. Et si, comme les femmes, les hommes étaient depuis toujours victimes du mythe de la virilité ?

Longtemps, au cours de la préhistoire ou protohistoire, l’élément féminin domine ; la grande déesse, mère des origines est vénérée comme source de toute vie et les civilisations étrusque, égyptienne ou celte sont matrilinéaires.

À cette époque, l’homme ne comprend pas cette faculté des femmes à ses yeux surnaturelle, de donner naissance à des filles ET des garçons. Cet apanage exorbitant va susciter admiration autant qu’effroi, provoquant une fascination-répulsion pour ce mystérieux ventre maternel : « que se passe-t-il au fond de cette grotte pour que le grand ait envie d’y pénétrer et qu’il en jaillisse des petits ? ».

Au Néolithique, les chasseurs-cueilleurs vont prendre conscience du rôle fécondant du sperme, affirmer la puissance masculine et revendiquer supériorité sur la femme, alors réduite au rôle de réceptacle passif. Avec cette révolution viriarcale, la société devient patrilinéaire et l’homme postule sa toute-puissance, valorisant alors la force, le goût du pouvoir, l’appétit de conquête et l’instinct guerrier.

En y enfermant la femme pour l’asservir, la virilité est tombée dans son propre piège. Le malaise masculin actuel ne serait pas dû à l’émancipation des femmes, mais aux injonctions virilistes épuisantes auxquelles il est soumis dans les domaines social, politique, religieux, économique et sexuel. Condamné à réprimer ses émotions, redouter l’impuissance et détester l’effémination, l’homme cultive le goût de la violence et de la mort héroïque. « Devenir un homme » est un processus gynéphobique et le devoir de virilité un fardeau quotidien.

Pour l’auteure, l’heureuse nouvelle est que ce crépuscule de la virilité annonce l’aube réjouissante d’un équilibre harmonieux entre le progrès de la cause d’hommes libérés des stéréotypes et l’avenir serein d’un féminisme libre et épanoui.

*Olivia Gazalé a enseigné la philosophie pendant vingt ans, en classes préparatoires, à l’Institut d’Études Politiques de Paris et aux Mardis de la philo, dont elle est la cofondatrice. Elle est l’auteur de Je t’aime à la philo – Quand les philosophes parlent d’amour et de sexe (Robert Laffont, 2012).

 

Visuels : Olivia Gazalé