TAMBOUR OU « TRUMPETTE »

Les Imposteurs

L’imposture est un jeu de leurre avec la victime.
Hypocrite, mystificateur, mythomane, l’imposteur abuse ou est abusé selon des ressorts psychologiques finement analysés par Patrick Avrane, au gré de portraits d’usurpateurs réels ou littéraires, confrontés à un dilemme métaphysique : être suffit-il à exister ?
Caméléon émérite de la psyché humaine, l’imposteur est un acteur qui surjoue la sympathie. La réussite d’un Ponzi et sa pyramide ou d’un Madoff et
ses placements miraculeux repose sur le crédit qu’autrui leur accorde.
Pour le devenir, l’imposteur a besoin du consentement involontaire de ceux qu’il dupe en enjolivant, grimant la vérité et en « comptant » ses exploits.
Maître dans l’art de l’illusion, il révèle prouesse pour égarer son interlocuteur. Il le dupe, lui ment, invente, ou s’attribue une identité. Sa mise en scène est nécessaire pour créer le personnage qu’il veut devenir aux yeux d’autrui. Soucieux de ne pas laisser froid, il fait son show pour inspirer et recevoir une bienveillante admiration dans le regard des autres.

Les Imposteurs, Patrick Avrane, éditions du Seuil

L’imposture deviendrait-elle un réflexe d’autodéfense dans une époque où s’effacent sournoisement les limites entre le vrai et le faux ? La prospérité allègre des « faits alternatifs », ainsi pudiquement dénommés pour désigner le trivial mensonge patenté, peut le laisser craindre. Tous les pseudo-experts en expertise, habiles à manipuler chiffres et sondages, y recourent sans vergogne.
L’intrusion subreptice de cette nouvelle rationalité, « pathogène » selon le psychanalyste Roland Gori, a pour résultat de donner primauté à la forme, l’apparence, à la popularité, l’opinion, au lieu de privilégier le fond, la performance, le mérite et les valeurs. Dans un monde façonné par les normes, évaluations et statistiques, « rendre des comptes, être visible, mesurable et surtout compétitif devient l’injonction permanente ».

La Fabrique des imposteurs, Roland Gori, Éditions Actes Sud