« Le syndrome du winner » par Jacques Varoclier

En lui donnant une acception arrogante et solipsiste, le management contemporain a élevé la confiance en soi au rang de « compétence » pour réussir dans son travail ou sa vie, moquant ouvertement comme naïveté ou faiblesse l’ingénuité ou la candeur des adultes qui « font confiance ».

Self-Estime
Elle est devenue le slogan du « winner », de l’homme fort qui ne dépend de rien ni personne. Chacun veut devenir « entrepreneur de lui-même » pour réussir son propre « développement durable ». Les coachs sont les nouveaux prêtres, à l’écoute des souffrances et des frustrations de ceux qui estiment avoir droit au bonheur. Une telle survalorisation de soi a pour corollaire l’émergence pathogène de la méfiance, source d’une dégradation des rapports sociaux, dont chacun déplore par ailleurs l’accélération.

“ Qui a confiance en soi conduit les autres. ” Horace

Pourtant, l’économie, la monnaie, la bourse, le crédit, la croissance ou l’emploi reposent sur la confiance. C’est là le paradoxe d’une société fondée sur cette notion cardinale, mais qui ne cesse de se saborder en répandant l’incertitude ou la peur ; le « chacun pour soi » dessine ainsi un cercle vicieux de défiance et se rassure à travers une inflation de normes ou la revendication illusoire d’une transparence suscitant souvent un contre effet opposé de suspicion, de scepticisme ou de cynisme.

Pour en finir avec… la confiance ?
Dans une société libérale, les relations avec autrui sont organisées pour concilier des intérêts égoïstes et opposés. La « nécessaire coopération entre les hommes » (Régis Debray, Les Communions humaines) tient au fait que nul ne peut se passer d’autrui. L’homme est un animal social qui doit apprendre à compter sur les autres.
Tel est le principe même du vivre ensemble a fortiori face à la complexité d’un monde dont l’évolution nous dépasse. Or, faire confiance ne se limite pas à un calcul de probabilités, mais revient à s’adapter au changement, au revirement, voire à la trahison, conscient de la fragilité de l’homme, capable autant de bassesse que de grandeur fulgurantes, au détour de l’inattendu.