« Jouer le jeu »

Cette expression souriante, d’apparence pléonastique paraît inoffensive et même positive, en ce qu’elle induit tacitement loyauté ou homothétie des actes du joueur avec les attentes d’autrui.

Pourtant, à y bien regarder, elle se révèle plutôt tautologique et intentionnelle, énoncée dans un contexte de fléchissement moral où chacun s’accommode de simulations, voire dissimulations. Il ne s’agit alors pas de jouer sur du velours, ni sur les mots, mais plutôt des coudes ou sur deux tableaux.

Sous des airs anodins, le jeu consiste à tricher, accepter des pratiques à courte vue, à privilégier la compromission plus que le compromis. « Jouer le jeu » signifie alors infléchir ses agissements et son éthique pour répondre aux intérêts suspects ou corrompus de celui qui invite au jeu sur un terrain possiblement vaste. Or, dès que la liberté est prise en otage, le jeu devient dangereux ; pris dans les rets de la vulnérabilité, tout individu devient sensible aux pressions, surtout lorsque les « en-jeux » sont financiers ou politiques, adjectifs souvent fraternels.