Sanctions financières dans les procédures collectives

Avant l’entrée en vigueur le 1er Janvier 2006 de la loi 2005-845 du 26 Juillet 2005, le dirigeant d’une société objet d’une procédure collective s’exposait à deux types de sanctions patrimoniales (la seconde pouvant d’ailleurs être la conséquence de la méconnaissance de la première), savoir : l’action en comblement de tout ou partie des dettes sociales et /ou la mise en redressement ou liquidation judiciaire personnelle.

Cette dernière a été supprimée pour être remplacée par une « obligation aux dettes sociales ».

La loi de sauvegarde introduit un nouveau régime de sanctions appliquant au monde de l’entreprise en difficulté la méthode cartésienne du « panier de pommes ».

Le législateur a souhaité séparer le bon grain de l’ivraie : l’objectif est d’épargner le chef d’entreprise confronté à un sinistre économique, n’ayant pas agi de façon irresponsable et à qui une seconde chance doit être accordée.

Ainsi la sévérité est supposée aujourd’hui ne frapper que les dirigeants indélicats.

En effet, après une période de relative indulgence, la jurisprudence est devenue plus sévère sous l’impulsion de certains liquidateurs.

Ces derniers bénéficient auprès des juges consulaires de confiance et crédit qui pour être légitimes supposent symétriquement sérieux et connaissance des dossiers ; à défaut s’instaure un rapport de forces défavorable au dirigeant, alors confronté de facto à une inconfortable inversion de la charge de la preuve.

Alors qu’en sa qualité de demandeur le mandataire doit argumenter et prouver la réalité des griefs avancés, il appartient trop souvent au défendeur de devoir apporter la preuve du contraire.

Ainsi, à titre d’illustration, certaines assignations en sanctions personnelles énoncent par facilité une prétendue « absence de comptabilité », alors que cette affirmation est inexacte et pourrait être évitée au prix d’un contrôle aisément vérifiable.

C’est pourquoi, l’introduction dans la loi d’une « obligation aux dettes sociales » (pouvant même être suscitée par la majorité des créanciers nommés contrôleurs, en cas de carence persistante du mandataire judiciaire) peut inspirer inquiétude, si sa mise en oeuvre est banalisée ou intempestive.

Cette sanction patrimoniale visée à l’article L652-1 du Code du commerce pourrait conduire à des drames financiers et humains. Le texte autorise en effet le tribunal à mettre à la charge du dirigeant la totalité du passif, même si l’actif social recouvré permet de l’apurer partiellement (à la différence de l’action en « comblement » de passif ).

Sous le régime de l’ancienne loi, un dirigeant mis en liquidation personnelle était certes ruiné mais, après clôture de sa procédure personnelle pouvait espérer redémarrer une nouvelle vie patrimoniale, sans actif mais aussi sans passif.

Aujourd’hui un « condamné » sur le fondement de L 652-1 pourra à vie être tenu au paiement des sommes mises à sa charge, si leur montant est disproportionné au regard de sa situation patrimoniale ou financière, hypothèse d’une probabilité acceptable.

Tout va donc dépendre de la jurisprudence et de l’amplitude donnée par les tribunaux aux cinq hypothèses visées par ce texte ; ne serait-il pas en effet aisé de soutenir qu’en ne régularisant pas une déclaration de cessation des paiements dans le délai légal, un dirigeant qui a continué à se rémunérer, a ainsi « poursuivi abusivement dans un intérêt personnel une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu’à la cessation des paiements » ?

Il semble optimiste de penser que les cas prévus par ce texte ne happent dans son périmètre que des dirigeants peu scrupuleux .

Dans l’environnement répressif de notre époque qui s’étend jusques aux juridictions consulaires, la perplexité n’est pas inconvenante.

Tous les mandataires ou tribunaux ne sont pas enclins à l’ excès mais de grandes disparités entre juridictions peuvent être craintes.

Une telle réserve est certes en dissonance avec le concert des commentateurs qui, pour l’essentiel, ont perçu dans la réforme une atténuation des sanctions ; pourtant cette lecture enthousiaste n’exclut pas la contradiction et requiert une judicieuse application de ce texte, sain dans son principe mais exposé à turbulence en cas de mise en œuvre trop tonique, a priori non conforme à la volonté du législateur.

Jacques Varoclier
Avocat à la Cour