L’expression peut surprendre puisque par définition un droit exprime la faculté légale de revendiquer une prérogative, de jouir de quelque chose ou d’accomplir une action positive ou négative. Un droit devrait donc pouvoir s’exercer librement.
Il a pourtant une limite de principe, une frontière qui est celle de son exercice fautif guidé par la mauvaise foi, voire l’intention de nuire au point d’attenter aux droits d’autrui tout comme la liberté s’arrête là où débute celle des autres.
Ainsi, multiples sont les occurrences où l’abus peut s’exprimer : abus de pouvoir, de position dominante, de biens sociaux, de majorité, de minorité, de procédure. Tout comme la fraude corrompt tout (« fraus omnia corrumpit ») et entache de nullité ou rend inopposable un acte frauduleux, l’abus canalise l’exercice d’un droit dont l’auteur fait un usage extensif, débordant, intrusif ou expansif avec intention et conscience de contourner la loi ou l’esprit de son application, en faisant mine de se conformer à la lettre.
La subjectivité entre en grande part dans l’appréciation des juges ou des autorités administratives qui en matière fiscale et sociale disposent d’un outil répressif spécifique pour notifier des redressements.
Ainsi, la notion d’abus de droit a toujours été le « joker » de l’administration pour, même en l’absence de texte spécifique, déjouer les montages sophistiqués. La notion est délicate et objet d’une récurrente actualité, à l’aune de l’imagination des contribuables ou de leurs conseils soucieux d’optimiser certaines opérations. Ainsi en est-il des apports-cessions lorsqu’une personne physique apporte en report d’imposition de plus-value, des titres à un holding soumis à l’IS qui procède immédiatement à la cession de l’actif apporté.
Le Conseil d’Etat sanctionne toute opération qui a pour seule finalité d’esquiver tout ou partie d’un impôt.
La procédure d’abus de droit qui a son siège fiscal à l’art L64 du Livre des Procédures Fiscales n’est plus orpheline puisque a désormais son symétrique social sous l’article L243-7-2 du Code de la Sécurité Sociale qui permet à l’Ursaaf d’opérer des redressements par requalification d’actes. Le texte est d’une rédaction très proche de son pendant fiscal et sanctionne tout acte fictif ou inspiré par un motif exclusivement élusif des cotisations sociales.
Jacques Varoclier
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