L’insolence, une vertu d’avocat

L’insolence est provocation et étincelle de lucidité. Elle défie, déstabilise et agace. Elle irrite parce qu’elle sort du lit des convenances, manque de révérence à l’égard du pouvoir, du sacré, du respectable ou du conventionnel. Elle ébrèche la fiction rassurante de l’harmonie apparente entre l’être et le paraître ; elle arrache les faux-nez et dénonce l’imposture sociale.

Pourtant, elle ne blesse que celui pénétré de son importance, de ses fonctions ou sa qualité, convaincu d’être à sa place et mériter le badge, source de son autorité temporaire. Elle devient alors dévastatrice pour sa victime, déshabillée d’un rôle social chèrement atteint, parfois aux prix d’humiliations.

L’insolence est toujours suspecte car elle révèle une liberté qui, même exercée sous forme souriante, moque la bienpensance, la hiérarchie sociale et dénonce ce que Nietzsche dénomme la moraline, ce pastiche de la morale.

Il faut savoir gré aux « Canard Enchaîné », aux regrettés « Guignols de l’info », certains intellectuels, écrivains, cinéastes, auteurs de théâtre, artistes, et dans le monde judiciaire aux Avocats, de cultiver la mise à distance. Garant de la liberté, l’Avocat n’a pas pour métier de plaire mais de contraindre la justice au respect des différences, divergences ou contestations et dévier la tentation du grégarisme sécurisant, de la soumission inconsciente ou le risque filigrané de manipulation. [ Acide social à mi-chemin entre l’ironie et le sarcasme, l’irrévérence et l’irrespect, l’impertinence et l’offense, elle est un précipité de ces diverses notions aux frontières ténues, susceptible d’osciller entre le convenable audacieux, osé mais toléré et l’incongru scandaleux, inacceptable et banni]. Clairvoyance et oxygène de l’esprit sont nécessaires au refus d’une bienséance formelle qui n’est parfois que trivialité grimée.

L’insolence devient ainsi un devoir judiciaire s’érigeant en vertu roborative dont l’avocat, au service de la Justice, doit être le héraut porté par l’audace d’un esprit sémillant.

Jacques Varoclier